Twenty-Four Hours…
La nouvelle de Stefan Zweig pour la première fois en musique
« Jamais encore je n’avais vu un visage dans lequel la passion du jeu jaillissait, si bestiale, dans sa nudité effrontée. J’étais fascinée par ce visage, qui, soudain, devint morne et éteint, tandis que la boule se fixait sur un numéro. », raconte Mrs C. « Cet homme venait de tout perdre. Il s’élança hors du casino. Instinctivement, je le suivis. Commencèrent alors 24 heures qui allaient bouleverser mon destin. »
Une femme, récemment veuve, se jette corps et âme dans une passion dévorante pour un jeune homme fou de jeu qui vient de tout perdre au casino. Elle nous raconte cette passion fulgurante et inoubliable, cette émotion crue qui se cache sous les masques, cette histoire intemporelle d’amour et d’abandon malgré les conventions sociales. Amour et abandon se mêlent dans cette histoire intemporelle, loin des conventions sociales. Ce texte a été maintes fois adapté au théâtre et au cinéma, mais jamais sous une forme musicale. Et pourtant, cette passion offre une matière exceptionnelle à la musique, une grande palette de couleurs à la mesure de son héroïne.
Écrivain, dramaturge, journaliste et biographe autrichien, Stefan Zweig (1881-1942) étudie la philosophie et rejoint le mouvement d’avant-garde Jeune Vienne. Il publie son premier récit, Dans la neige, en 1901. Jusqu’en 1914, il multiplie les voyages tout en poursuivant ses activités d’écriture. Dans l’entre-deux-guerres, il défend la cause pacifiste aux côtés de Romain Rolland. En 1934, inquiété pour ses origines juives, il s’exile à Londres, puis au Brésil. En 1942, désespéré par les victoires des nazis et de leurs alliés, il se suicide en compagnie de son épouse.
Plus de 80 ans après sa publication, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, ne cesse d’exercer son attrait sur les lecteurs. Stefan Zweig est l’écrivain étranger le plus lu en France.
Quand Zweig rencontre Strauss en 1931, il ne se doute pas que le plus grand compositeur germanique du XXe va le choisir, après la mort de son complice le poète Hofmannsthal, comme nouveau librettiste. Il en découle, grâce aux fruits d’une entente artistique assez miraculeuse, l’opéra buffa La Femme silencieuse créé en juin 1935 (Die Schweigsame Frau).
L’époque est alors à la dictature nazie. En apprenant que Zweig, le juif de Vienne, a travaillé avec Strauss, le Président de la chambre de musique du Reich, Goebbels obtient l’interdiction de jouer l’opéra et la démission du compositeur jusque là adulé.
Stefan Zweig a une passion sincère voire viscérale pour la musique, en rien mondaine ou opportuniste : Bach, Haydn, Mozart… jusqu’à Webern. Une passion personnelle rehaussée encore par la présence de Mahler et Walter comme lui, juifs. C’est aussi la fréquentation du Festival de Salzbourg où il retrouve le même Walter, Toscanini ou Busoni…
Schubert paraît aussi d’une bien funèbre façon : la musique du Wanderer va l’accompagner jusque dans le suicide, décidé avec son épouse, une certaine nuit du 22 février 1942, au Brésil.
Une partition enlevée de Sergeï Dreznin
Le Figaro